Conjurer la peur
L’essai était depuis un an sur mon bureau à l’étage. J’avais prévu de le lire, les mois ont passé, j’ai même changé de bureau entre temps. Je l’ai replacé sur ce nouvel espace, son titre comme un mantra quotidien. J’ai fini par me décider à l’ouvrir parce que le nom de son auteur souvent mentionné en ce mois de juillet. Patrick Boucheron était aux côtés de Thomas Jolly pour concevoir la cérémonie d’ouverture des JO comme une invitation à dépasser notre société rabougrie, ratatinée, malingre. Cette certitude que le vivre ensemble est possible s’il déploie toutes nos différences.
Conjurer la peur, Essai sur la force politique des images. Sienne, 1338. À cette date, les Neuf – c’est à dire les neuf magistrats qui gouvernaient la commune – chargent Lorenzetti de représenter dans le Palazzo pubblico la fresque du bon gouvernement.
« Un programme d’une audace stupéfiante, puisqu’il programme ceci qui est, ou devrait être, le chiffre de toute république : si ce gouvernement est bon, ce n’est ni parce qu’il est inspiré par une lumière divine ni parce qu’il s’incarne par des hommes de qualité; ce n’est même pas parce qu’il bénéficie d’une légitimité plus solide ou de justifications plus savantes ; c’est simplement parce qu’il produit des effets bénéfiques sur chacun, concrets, tangibles, ici et maintenant. «
Tiens, j’aurais pu appeler ce billet Est-ce que demain finira bien ? (11) parce que c’est de ça dont il s’agit aussi chez nous, ici et maintenant. Une fois passés les JO et l’enthousiasme de tout un peuple, reviendra la question politique d’un gouvernement à choisir. Je repenserai alors à l’autre face de cette fresque qui donne à voir « un monstre cornu sorti des entrailles de l’enfer ou plutôt revenu d’un passé que l’on croyait révolu. «
Pour illustrer ce billet, j’ai remonté ma photothèque jusqu’à notre périple en Toscane en 2016 et ai choisi ce fragment de la fresque pour son arbre solitaire. Je me souviens de mon émotion dans la salle exigüe face à cette oeuvre. Je ne l’avais jamais vue auparavant alors que, semble-t-il, elle est si facilement utilisée comme illustration de livres d’art ou de droit.
2 commentaires
Tania
Merci pour l’arbre solitaire – une vision si douce et qui peut faire peur aussi, de le sentir si seul.
la bacchante
À moins que ce ne soit le recadrage de la photo qui l’ait rendu solitaire… Ses congénères ne sont pas loin.