
ad ultimam
Ce lundi, la canicule (du lat. canicula, « petite chienne ») a enfin lâché prise. Les Bretons et P. ont lancé une opération nettoyage du jardin de ta biquetterie. Le midi, vous vous retrouvez autour de la table. Vous parlez d’hier, de la randonnée à Lyons-la-Forêt. Il faisait tellement chaud qu’à tour de rôle ils avaient maintenu un parapluie ouvert au-dessus de ta tête. Les passants te regardaient, espérant croiser quelque célébrité. Vous aviez ri comme des gamins.
Tu ne sais plus pourquoi mais autour de la table, P. et toi avez dévié vers des énigmes étymologiques. Il te demande si tu connais l’origine du mot adulte. Avec une fausse modestie, tu réponds que bien sûr. Que ça vient de « ad ultimum », « vers le dernier (moment) ». Que tu trouves qu’il y a beaucoup de cynisme (du gr. kuon, « chien ») dans ce mot. P. se met à tambouriner de ses doigts sur ses dents. C’est le signe chez lui qu’il est, par avance, désolé. Qu’il n’est pas d’accord. Que ça vient d’ « adultus », celui qui a grandi. Qu’il l’a appris sur la chaîne d’étymocurieux. Tu y jettes un coup d’oeil, lui fais remarquer qu’il s’est trop vite laissé séduire par le beau gosse, vas chercher ton Petit Robert, sûre de toi, et commences à lire l’article. Tu te tais aussitôt. P. a raison, le beau gosse a raison et toi ça fait des dizaines d’années que tu racontes une étymologie fantaisiste à tes élèves. Arggh ! Lâchez les chiens et les petites chiennes ! Ostracisez-moi sur le champ ! Infligez-moi la damnatio memoriae ! Tous les trois ont ri comme des gamins.
Mardi, de retour de ton avant-dernière chimio hebdomadaire, la onzième, tu décides de recycler ton « ad ultimum ». Cela donne « ad ultimam », à la dernière (chimio), à l’étape qui vient, au lourd que tu vas pouvoir déposer sur ton chemin, à la bougie que tu allumes dans la nuit qui tombe.


6 commentaires
Germain
J’aime bien cette tranche de vie, ces petits détails ( mes ongles qui tambourinent mes incisives et qui font sortir mon frère hors de ses gongs).
Le parapluie de la plage de Picasso…
On s’évade dans nos souvenirs d y il a quelques jours. La fraîcheur d’ un bain de pied dans le ruisseau frais, les gentils hollandais rappelés d un coup de sifflet. Le sifflet des oiseaux décortiqué par Merlin. Les stylos à bain d huile chez le brocanteur. Les motos qui pétaradent et font aboyer le chien , les mobylettes, le pétale de rose qui pète quand on l écrase sur la main.
la bacchante
Une série de souvenirs que l’oubli n’uara pas !
Colo
J’aime lire ces rires de gamins.
J’aime qu’on s’occupe de toi, de ton jardin.
Un beso
la bacchante
Je prends tout ce qui peut rendre mes jours plus légers.
Un beso, Colo
Michèle Frédéric
J’aime cette promenade rieuse sous l’ombrelle improvisée, j’aime ces étymologies savantes ou foireuses qui disent que notre savoir est fragile et j’aime cette ultima qui va te donner un peu de repit. Bises.
la bacchante
Mais où donc ai-je lu cette étymologie foireuse ? Impossible de retrouver…