
Remplir ses sacs
Jour 8, Chimio 2 : c’est déjà demain.
Taxi-wonder-woman et son vaisseau départemental aussi bruyant qu’un hôpital -les bips dès qu’elle dépasse la limite de vitesse d’un km la font bien marrer- t’attendront devant la biquetterie.
D’ici là, tu prépares tes sacs.
Dans le premier, tu glisses l’aprépitant, la lidocaïne et une salade de riz, haricots azuki, concombre, basilic sacré, fleurs de ciboulette (les repas à l’hôpital ont décidément un goût de surgelé qu’on aurait oublié de passer au four).
Dans le second, tu enfournes pêle-mêle tout le doux que cette semaine t’a offert.
Une randonnée nocturne avec ton morveux, le soir de la première chimio. Tu étais sous cortisone, ton pas était rapide et impertinent comme si rien n’avait changé. Vous êtes allés là haut, jusqu’à l’arbre.
Un soir de fête lorsqu’ils ont tous débarqué en s’improvisant coiffeurs pour te donner un nouveau look : le cm restant sur ton crâne, tu le portes avec insolence.
Un midi sous le cerisier avec Nico de quai des mots, sa tribu, une pile de René Frégni et un bouquin qu’il venait de sortir des cartons-nouveautés : le dernier Berti !
(« La grande question est de vivre, de sentir, d’être conscient de ses propres possibilités ; pas de traverser la vie comme une lettre à la poste, machinalement. » Eduardo Berti, Faster, p.147 )
Tu enfourneras aussi ce qui ne peut plus être et qui te semble aujourd’hui insurmontable : être au soleil dans ton potager pour mettre en terre les plants que tu es allée chercher avec l’Ours et sa fiancée. Te voici tôt le matin à jongler de parcelle d’ombre en parcelle d’ombre. Te voici à midi, tartinée de crème solaire sous l’enchevêtrement du parasol et de l’ombrelle à désirer ardemment les nuages et la pluie. Les copines ne se laissent pas impressionner et t’inventent des balades en forêt ou sur les rives de la Seine aux heures les moins chaudes.
Voilà, dans mes sacs, tout l’essentiel pour traverser demain.


5 commentaires
Michèle Frédéric
Bonne traversée ma Béa aux cheveux tout courts! Protège toi sous les ombrelles amicales , escortée de ta garde rapprochée ! Je sais que tu as assez de piment pour donner du goût à la pire ragougnasse hospitalière…mes pensées t’accompagnent…
la bacchante
Merci, ma Michèle. J’ai découvert tes pensées dans mon sac à midi.
Gilsoub
Que du bon dans ces sacs, de quoi aider à passer ce mauvais cap. pleins de pensées ensoléillées 😉
K
Titi Robin, le sable et l’écume, ne déparera pas tes sacs, je pense.
https://www.youtube.com/watch?v=hZ2ToHxnHPM
Et je me permets de t’embrasser.
la bacchante
Je mets dans mes sacs pour demain ce sable et cette écume. Merci K !