Instants,  La classe !

Pierres d’achoppement

La semaine dernière, j’ai suivi, chaque jour, le même itinéraire, de la rue Louis Blanc à l’avenue Grammont, en passant par la place Voltaire et la rue du Cours. L’espace de vingt minutes d’un pas rapide, en mode automatique, je me perdais dans mes pensées.
Un matin, après une nuit pluvieuse, elles faisaient tellement bloc sur le bitume de la rue du Cours que je n’ai pas pu les éviter : huit pierres d’achoppement, toute une famille arrêtée là, au numéro 48 puis déportée et assassinée à Auschwitz.
L’après midi, j’ai traversé la Seine pour aller voir Zone d’intérêt de Jonathan Glazer. Je garde en tête le bourdonnement incessant de la bande sonore.

Aujourd’hui, après ma dernière heure, j’ai fermé ma porte et ai croisé une collègue heureuse d’avoir pu faire cours en live. Sa montre connectée lui avait indiqué votre mort : elle a branché internet et son vidéo projecteur pour montrer à ses élèves … quoi au juste ?
Oui, M. Badinter, tout s’est arrêté quand on a su votre départ. France Inter vous offre une journée spéciale. Tout le monde a voix au chapitre, même ceux qui feraient mieux de se taire parce qu’ils emploient tout leur temps d’élus à faire vaciller la République. Si vous avez été contre la peine de mort et l’antisémitisme, eux sont pour la loi immigration.
Juste parmi les Justes, vous allez me manquer : vous nous laissez alors que les obstacles s’accumulent de toutes parts et que nous courons à la catastrophe.

La semaine prochaine, la coïncidence veut que je parlerai aux uns de Victor Hugo et sa lutte contre la peine de mort, aux autres de Missak Manouchian et des Strophes pour se souvenir. Vous feriez un sacré trio de colocataires au Panthéon, tous les trois, et c’est l’éternité qui en aurait de la chance. Nous, ici, on va faire au mieux, promis, et contre l’irréparable, on va lutter pour la lumière, la vie, le vent et la beauté des choses.

2 commentaires

  • Tania

    Grand souvenir d’avoir suivi en direct les débats sur l’abolition de la peine de mort à la télévision française, à la « faveur » d’un congé de maladie. Admiration et respect pour ce grand monsieur, oui.
    Treize pavés de mémoire ont été ajoutés récemment dans ma commune. On s’y arrête pour les lire.

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