La classe !

  • Instants,  La classe !

    Pierres d’achoppement

    La semaine dernière, j’ai suivi, chaque jour, le même itinéraire, de la rue Louis Blanc à l’avenue Grammont, en passant par la place Voltaire et la rue du Cours. L’espace de vingt minutes d’un pas rapide, en mode automatique, je me perdais dans mes pensées. Un matin, après une nuit pluvieuse, elles faisaient tellement bloc sur le bitume de la rue du Cours que je n’ai pas pu les éviter : huit pierres d’achoppement, toute une famille arrêtée là, au numéro 48 puis déportée et assassinée à Auschwitz.L’après midi, j’ai traversé la Seine pour aller voir Zone d’intérêt de Jonathan Glazer. Je garde en tête le bourdonnement incessant de la…

  • Instants,  La classe !

    Temps de falaise

    Il fait un temps de falaiseun temps de dessous de falaisela pluie le froid des rocs cèdentje les évite tant mal que malje voudrais m’asseoirretrouver mon souffle mon quotidiensemaine éreintante et dépôt de plaintecontre une contre un contre Xqui sur Tiktok -tic-tac compte à rebours lancé-menace de me coincer dans une ruelle sombreaprès le brevet blancil fait un temps de dessous de falaiselignes noires dans la rochemais moi je voudrais à nouveaume tenir là-hautdéfier le vide et la fragilité du sol sous mes piedsmême pas peur regard en équilibresur l’horizon la houle et les vents

  • La classe !

    Pis-aller

    Hier encore, nous pensions nous en tirer très honorablement. Nous innovions, nous ne lâchions rien, ni les trente élèves par classe, ni les projets. Ce matin, tous les trois assis sur la même banquette de la salle des profs, deux de math et au milieu une de lettres classiques, nous sommes entrés dans la catégorie « médiocres ». C’est PISA qui l’a dit, nous dégringolons année après année et Singapour s’éloigne toujours un peu plus. Heureusement qu’à la tête de l’Éducation Nationale, le deus, honneur piqué à vif, est sorti aussitôt de sa machina. Il a la solution : faire des groupes de niveau dans les deux matières pointées du doigt et…

  • Instants,  La classe !

    Matin intérieur

    Ce matin comme tous les matins, j’arrive chez Suzon tôt. Je dépose mon vélo dans le garage, récupère dans mes sacoches, mon sac de cours et ma gamelle et y enfourne mon pantalon et blouson coupe-vent, mes gants et mon bonnet. Une nouvelle journée commence. J’aime ce temps où le collège émerge à peine du silence de la nuit et que la première heure de cours est encore loin. S. vient de rejoindre sa loge. S. est tout à la fois gardienne et âme du collège. Chaque matin, elle commence par appuyer sur un bouton pour lancer le lever de tous les stores, du rez-de-chaussée au 2ème étage, puis elle…

  • Instants,  Kiosque,  La classe !

    Ne laisse jamais personne t’éteindre

    Mardi soir, c’était À ne pas rater de la Cie La vaste entreprise au théâtre de l’Arsenal. Pendant une heure, nous avons raté tout le reste du monde dans ces 400 m². Nous avons accepté le vide qui peu à peu apparaissait sur scène. Nous avons tenu au loin, l’espace d’une heure, le Hamas, la bande de Gaza, Israël et les fracas du monde.Hier soir, c’était le concert de Zaho de Sagazan au Kubb. J’y suis arrivée en miettes d’Arras et pourtant l’énergie vitale est réapparue. Lundi, cela fera trois ans pour Samuel Paty et trois jours pour Dominique Bernard. Je vais me retrouver face à vingt-huit paires d’yeux. Cette…

  • La classe !

    Convergence de lignes

    Rituel du matin7h20 : je charge mes sacoches, celle de droite reçoit mes cours et mon ordi, celle de gauche mon casse-croute et mon anti-vol. Je monte sur mon vélo et descends le côteau pour rejoindre S. à 7h30. Un rapide bonjour dans le flux de la circulation et nous fonçons jusqu’à la voie verte. Une fois que nous y sommes, nous pouvons respirer largement. Nous avons vingt minutes devant nous pour nous donner des nouvelles du week-end, nous redire que nous sommes vraiment bien à longer l’Eure, à saluer les cygneaux devenus grands mais toujours en ligne familiale. Dans notre dos, le jour prend le relais de la nuit.…

  • La classe !

    Ça coule de source

    Cette semaine, j’ai fait passer le test de fluence à mes élèves de 4è. Fluence : mon ordinateur ne connaît pas ce mot et le souligne en rouge. Il n’est pas non plus dans Le Petit Robert, entre « fluer » et « fluide ». Ils ont tous les trois la même source : le latin fluere « couler ».Je tire une table dans le couloir et appelle chaque élève, l’un après l’autre. Pendant ce temps, les autres se plongent dans le roman ou la BD qu’ils ont toujours dans leur sac. Le collège pratique le quart d’heure lecture. Vous savez, ce moment sacré où tout un établissement s’arrête en même temps et où chacun s’absente…

  • La classe !

    Ah bah y a …

    Ah bah y aune nouvelle rentrée plus vertigineuse que les précédentesdes prestidigitateurs qui font croire que tout va biende plus en plus d’élèves par classede moins en moins de profs touchés par la vocationde plus en plus d’heures hebdomadaires pour ceux qui sont au frontc’est mathématiquesAh bah y a mêmeune classe avec deux profs de français (2hx2)les chiffres avant les lettresAh bah y a moi et mes coups de gueulequi sommes concernés par tout ce qui précèdeet qui y retournons quand mêmeparce que merde passer une année avec des morveuxça nous plaît

  • Instants,  La classe !

    Leçons

    Si votre regard est perspicace, vous pourrez voir sur la photo ci-dessus prise au parc ornithologique du Marquenterre (on aurait envie de l’écrire en trois mots) un héron, une avocette, une spatule, un fuligule ou encore une cigogne. Je donne l’air de m’y connaitre en noms d’oiseaux mais ce que j’ai surtout appris tout au long de ma déambulation, c’est que j’étais incapable de nommer la variété du vivant qui apparaissait dans mes jumelles. Ma langue me faisait défaut. Dans chaque observatoire, des panneaux m’ont sauvé la mise. Merci à eux.J’ai aussi appris que j’étais victime de préjugés, et ça a du mal à passer, envers un oiseau : le…

  • Biffures,  Kiosque,  La classe !

    Comme des bêtes, Violaine Bérot

    Ça arrive, non, de voirdes normaux anormalement normés ? Biffure des pages 105 et 107 de Comme des bêtes Ce roman choral, Nico, un des libraires de Quai des mots me l’avait conseillé, il y a deux ans déjà. J’avais inscrit ce titre dans ma liste à lire et n’y étais pas revenue. Emprunté à la médiathèque avant la fermeture estivale, je l’ai lu ce matin sous la couette alors que les rafales déferlaient encore dehors. Comme des bêtes porte l’étiquette roman. Ça commence comme un fait divers où chacun y va de son témoignage et de ses certitudes. Dès les premières pages, on a envie de lire à voix…